La forêt des Babors, l’une des plus importantes réserves naturelles du
pays, qui a été mise en veilleuse des années durant a, au grand bonheur
des écologistes, retrouvé sa « nature » et ses visiteurs. Faisant partie
du massif de l’Atlas tellien, la forêt des Babors, située à 52 km au
nord de Sétif et seulement à 15 km de la mer Méditerranée, est une
réserve naturelle d’importance. Elle doit son appellation à la chaîne
des monts des Babors, à laquelle elle appartient, abritant le point
culminant à 2 004 m d’altitude, un des points les plus hauts du pays. Eu
égard à sa richesse et au rôle de la protection et la préservation
d’espèces animales et végétales, l’administration française l’a, en
1921, classée parc national. L’arrêté a été promulgué le 12 février
1921, mais les 2 367 ha (superficie de la forêt) n’ont, à aucun moment,
bénéficié de la protection voulue. Cette forêt, repartie en quatre
cantons (Babors, Djebel Babors, Beni Bezzez et Chaâbat Amalou) et
accessible des wilayas de Sétif et Jijel, abrite une végétation
exceptionnelle, riche en espèces rares et endémiques. Les études et
travaux de recherche notent la présence de pas moins de 416 espèces
végétales, dont 23 protégées par la loi, et 8 autres endémiques. Cet
espace est le seul en Afrique du nord, en dehors de la forêt du Rif, à
abriter le sapin de Numidie (abies numidica). Ce domaine regorge, nous
dit-on, d’une diversité de champignons rares, tels que le champignon dit
Tricholoma calligatulm, qui est recensé en abondance. La faune y est
aussi importante, la réserve est le fief de plusieurs espèces rares. La
sittelle kabyle (Sittelle Ledant), découverte par Ledant en 1976, est un
oiseau rare ne comptant que quelques couples. Le singe magot (Macaca
Sylvanus), le lérot (Elyomys quercinus), la mangouste (Herpestes
ichneumon) et la belette (Mustela numidica) sont les autres principaux
mammifères des 15 parmis les 47 que compte l’inventaire national. Par
ailleurs, l’hydrologie est son autre atout. Le mont Babor est composé de
trois bassins versants (Ighil Emda, Erraguène et Beni Haroun)
approvisionnant et alimentant, en aval, en eau les barrages d’Ighil Emda
de Kherrata (Bejaïa) et Erraguène (Jijel). Le domaine regorge de
sources : les neuf situées en aval des versants désaltèrent, avec une
eau fraîche, pure et naturelle, les citoyens du coin et enchantent les
visiteurs de cet espace touristique redevenu, comme jadis, un havre de
paix et un espace de villégiature. Le retour progressif au calme a
encouragé la réinstallation de la population qui s’attelle à tout
reconstruire. Les différents coins visités respirent la vie. Avant
d’atteindre le point le plus bas qui s’élève à 850 m d’altitude, il nous
a fallu emprunter un chemin étroit, sinueux et pas du tout carrossable.
L’accueil et la fraîcheur qui se dégageaient de ces lieux ont agrémenté
une randonnée bénéfique à plus d’un titre. Ce joyau qui est, selon
notre guide, l’un des endroits les plus arrosés d’Algérie, déroute
autant qu’il fascine. Ce don de la nature, qui demeure inconnu en dépit
de sa richesse en faune et flore rarissimes, peut être une destination
touristique incontournable et une source d’emplois et de richesse, non
seulement pour la wilaya de Sétif, mais pour tout le pays. Après une
tournée à Lajouada, Senina, Garselhalla et à travers d’autres contrées
où l’on construit, entretient les pâturages, les arbres fruitiers et un
bétail composé essentiellement de vaches et de chèvres, la fatigue nous a
découragé à atteindre le source d’Aghouassen, située à 1 500 m
d’altitude. Avant de prendre congé de ce sol, devenu une terre
d’accueil, nous rencontrons un sexagénaire qui connaît très bien la
région. Il nous dira : « Cette forêt, qui est un don du ciel, est un
éden ». Nassima, une étudiante en biologie qui s’intéresse depuis des
années à l’espace ajoutera : « Les Babors, ce sont les Alpes, les
Pyrénées et l’Amazonie à la fois. Savez-vous qu’à une certaine altitude
la neige dépasse les 3 m et persiste jusqu’à la fin du mois de mai ? La
réalisation d’une station de ski redynamisera une si belle et riche
région ».
Par Leïla Benani- El Watan